Dr. Roquet-Gravy:
ECZÉMA ET PSORIASIS : COUSINS PLUTÔT QUE FRÈRES
Rougeurs soudaines, démangeaisons persistantes : le psoriasis et l’eczéma sont deux affections cutanées chroniques courantes qui présentent plusieurs symptômes similaires. Cela peut rendre leur distinction difficile sans diagnostic médical. Comment les différencier ? Explications avec le docteur Pierre-Paul Roquet-Gravy, dermatologue au Grand Hôpital de Charleroi.
Si un patient se présente à votre consultation avec des rougeurs et des démangeaisons, il pensera peut-être qu’il souffre d’une réaction allergique ou d’urticaire, mais il peut s’agir tout aussi bien de psoriasis ou de dermatite atopique. Comment bien faire la distinction ?
Tout d’abord par les causes. Bien que le psoriasis et l’eczéma – appelé aussi dermatite - partagent certains symptômes, ils ont des origines différentes que les questions posées durant la consultation permettront d’évoquer. Ainsi, on distingue d’une part les dermatites allergiques qui apparaissent lorsque la peau entre en contact avec une substance irritante ou un allergène spécifique. Dans le premier cas, on parle de " dermatite des ménagères " lorsque les mains sont atteintes ; dans le deuxième, il s’agit de substances comme le nickel dans un bijou par exemple, qui entraîne une dermatite de contact à l’endroit où le bijou est porté.
D’autre part, il y a la dermatite atopique qui a une origine génétique héréditaire déterminant une altération de la fonction barrière naturelle de la peau. Cela facilite la pénétration d’allergènes qui provoquent l’inflammation. Cette maladie évolue par poussées, favorisées par un certain nombre de facteurs déclenchants environnementaux comme la saison, les facteurs émotionnels ou encore certaines infections. Dans certains cas, les personnes souffrant de dermatite atopique développent d’autres maladies connexes, comme des allergies alimentaires, de l’asthme ou de la rhinite allergique (" rhume des foins ").
Le psoriasis lui aussi a une composante génétique.
En effet. Il y a également un facteur familial héréditaire dans le psoriasis. Il s’agit d’une maladie inflammatoire auto-immune chronique qui se déclare entre autres par des symptômes cutanés, mais qui peut aussi toucher les articulations ou être associée à d’autres maladies inflammatoires, du tube digestif notamment. En cas de psoriasis, le patient peut être confronté aussi à des maladies connexes appelées comorbidités qui nécessitent également d’être traitées.
Vous insistez sur l’importance de poser d’emblée le bon diagnostic et de bien distinguer les différents symptômes par un examen détaillé. De quels symptômes s’agit-il ?
La dermatite se traduit souvent par des rougeurs, de petites cloques remplies de liquide, un suintement, puis des croûtes. En ce qui concerne la dermatite atopique, les zones touchées varient avec l’âge : chez les bébés, la dermatite se présente souvent sur le visage et les parties bombées du corps, comme le ventre. Chez les enfants, la maladie se déplace vers les plis des coudes et des genoux. A l’âge adulte, la dermatite atteindra plus volontiers les mains, le cou et à nouveau le visage. Autre caractéristique : les lésions apparaissent le plus souvent des deux côtés du corps.
Le psoriasis quant à lui forme des plaques rouges, souvent plus épaisses et recouvertes de squames blanches ou argentées. Le grattage des plaques entraîne un blanchiment caractéristique. Il atteint surtout les zones comme les coudes, les genoux (la face externe au contraire de la dermatite atopique) ou le bas du dos, mais aussi parfois le cuir chevelu et les ongles ou les parties génitales.
Souvent, tant le psoriasis que la dermatite donnent lieu à des démangeaisons qui sont en général plus importantes s’il s’agit de dermatite. L’impact sur la qualité de vie des patients peut être vraiment majeur.
Les deux peuvent coexister ?
Il arrive que dermatite et psoriasis se manifestent chez une même personne. Le stress, l’anxiété ou même un simple traumatisme de la peau (comme une égratignure, une coupure) peuvent déclencher un psoriasis chez un patient atopique mais prédisposé au psoriasis. Le phénomène inverse peut se produire aussi.
Comment se soignent la dermatite et le psoriasis ?
En cas de dermatite de contact ou d’irritation, il convient d’abord d’éviter les irritants ou les allergènes identifiés par les tests d’allergie, en plus du traitement local avec une crème à base de cortisone.
Pour la dermatite atopique, le traitement repose également sur des crèmes à base de cortisone pour apaiser l’inflammation d’une part et sur l’application quotidienne d’émollients (donc assouplissant et adoucissant la peau), pour réparer et reconstituer la barrière cutanée d’autre part. Pour les cas sévères, on dispose désormais de traitements remarquablement efficaces et très bien tolérés. Ce sont des biothérapies ciblant spécifiquement les agents responsables d’inflammation.
Comme pour la dermatite atopique, il existe pour le psoriasis plusieurs traitements en fonction de l’historique du patient, de la gravité des symptômes et de la présence d’éventuelles comorbidités. Ainsi, le médecin peut prescrire des crèmes, de la photothérapie ou un traitement systémique.
Depuis de nombreuses années, les biothérapies ont révolutionné la prise en charge des patients sévèrement atteints en leur offrant souvent une rémission quasi complète de leur maladie.
Est-ce que le style de vie peut avoir un impact sur la sévérité des symptômes ?
En effet, une mauvaise hygiène de vie aura un impact très négatif sur le psoriasis et ses comorbidités (obésité, diabète, maladies cardiaques). On conseillera vivement une alimentation équilibrée sans excès d’alcool notamment et la pratique régulière d’exercice physique.
Cela vaut en fait également pour les patients souffrant de dermatite. Leur peau sera par ailleurs plus sensible à des facteurs environnementaux (comme les frottements des vêtements, la transpiration, l’air conditionné et surtout de l’eau chlorée des piscines). Il vaut donc mieux en tenir compte.
Un dernier conseil ?
Si vous constatez une anomalie sur votre peau, n’attendez pas trop, mais consultez votre médecin traitant qui décidera s’il faut en référer au dermatologue. Nous avons d’ailleurs mis en place une ‘hotline’ à l’hôpital pour lui permettre d’obtenir des conseils rapides sur la prise en charge des affections cutanées. Et ne paniquez pas: il existe de plus en plus de solutions pour résoudre un nombre croissant de problèmes en dermatologie.


