Environ 3% de la population mondiale souffre de psoriasis1, une maladie systémique chronique qui peut notamment se manifester au niveau de la peau, avec des symptômes tels que des squames, des rougeurs et des démangeaisons. Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreuses options efficaces pour traiter cette affection. Le Dr Sam Dekeyser, dermatologue à l’AZ Maria Middelares à Gand, nous en dit plus.
Docteur Dekeyser, vous êtes dermatologue, mais contrairement à ce que l’on pense souvent, le psoriasis n’est pas uniquement une maladie de la peau. De quoi s’agit-il exactement ?
En effet, ce n’est pas seulement une maladie cutanée : il s’agit d’une affection d’origine génétique qui affecte le système immunitaire. Elle peut se manifester à différents endroits du corps : sur la peau, mais aussi dans les articulations, comme en cas d’arthrite psoriasique, par exemple. Elle augmente également le risque de certaines maladies inflammatoires intestinales, comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique.
Il y a donc un lien avec d’autres maladies, si je comprends bien ?
C’est exact, et il est important de les surveiller de près afin d’éviter des complications. Ainsi, les personnes atteintes de psoriasis présentent plus souvent que la moyenne un surpoids (parfois important), ainsi que de troubles du métabolisme des glucides et des lipides. Cela peut ensuite conduire au diabète et à un excès de cholestérol, avec un risque accru de maladies cardiovasculaires.
En plus de ces problèmes physiques, on observe également davantage de troubles psychologiques, comme la dépression, chez les personnes vivant avec un psoriasis. Tous ces troubles ont en commun d’être liés à une réaction inflammatoire générale. Heureusement, un bon accompagnement et une hygiène de vie saine permettent de s’attaquer efficacement à ces problèmes.
Avec quels symptômes les patients consultent-ils généralement un dermatologue ?
Les principaux symptômes sont des plaques rouges recouvertes de squames, qui peuvent démanger fortement. Elles ne sont absolument pas contagieuses et apparaissent le plus souvent sur le cuir chevelu ou sur la face externe des articulations (comme l’extérieur des coudes ou des genoux). En réalité, elles peuvent toucher n’importe quelle zone de la peau.
Y a-t-il un âge moyen d’apparition de la maladie ?
La maladie est d’origine génétique, mais elle ne se déclare pas chez tout le monde : elle ne survient que si elle est déclenchée par une combinaison de facteurs environnementaux, comme le stress, des infections ou certains médicaments. Le psoriasis peut donc apparaître à tout âge, mais la majorité des nouveaux cas surviennent entre 20 et 30 ans. C’est une maladie chronique, ce qui signifie qu’elle ne disparaît pas, mais on peut en contrôler les symptômes et la maintenir en phase de rémission, afin que les patients puissent mener une vie normale. Je le répète souvent : le psoriasis est l’une des affections cutanées les mieux traitables. Une fois la bonne thérapie trouvée, nous pouvons réduire l’impact sur la vie quotidienne au strict minimum.
Quelles options thérapeutiques existe-t-il aujourd’hui ?
Le panel est large, et le choix dépend de plusieurs critères. Globalement, on commence par les traitements locaux : des crèmes et la photothérapie, qui s’attaquent aux symptômes de l’extérieur. Ces options suffisent généralement pour les formes plus légères de psoriasis. Pour les formes sévères, qui ne répondent pas aux traitements locaux, on peut recourir à une « thérapie systémique » : ce sont des médicaments pris par voie orale ou administrés par injection, qui agissent sur le système immunitaire pour réduire l’inflammation et, par conséquent, faire disparaître les lésions. Le choix du traitement repose sur plusieurs critères : la gravité et la localisation des lésions, l’existence éventuelle de maladies associées (comorbidités), les traitements déjà essayés, etc. J’examine donc chaque patient de manière approfondie, en analysant aussi son histoire médicale et ses attentes.
Enfin, je discute en détail de toutes les options et nous choisissons ensemble la solution la plus adaptée, en tenant compte des contraintes éventuelles (préférences personnelles, remboursement, etc.). Cet aspect est primordial, car chaque traitement a un impact sur la vie quotidienne : qu’il s’agisse d’une crème à appliquer ou d’injections à recevoir.
En dehors d’un bon suivi thérapeutique, que peuvent faire les patients ?
On a beaucoup écrit sur l’impact de l’alimentation, mais de nombreuses affirmations ne sont pas scientifiquement prouvées. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’une alimentation variée et équilibrée est recommandée, comme pour d’autres maladies inflammatoires. Il vaut mieux éviter les sucres rapides et les aliments ultra-transformés, car ils favorisent l’inflammation.
C’est également le cas pour l’alcool et le tabac. Une activité physique régulière et suffisante est également importante pour réduire le risque cardiovasculaire et maintenir un poids stable. L’excès de poids a d’ailleurs une influence négative sur le psoriasis. Cela peut sembler difficile d’agir sur tous ces aspects en même temps. Dans certains cas, nous décidons donc de nous concentrer d’abord sur quelques points prioritaires, pour initier une dynamique vers un mode de vie plus sain et durable. Ce n’est pas toujours simple : nous en sommes bien conscients. Pour accompagner et soutenir les patients dans cette transformation, nous pouvons, lors des consultations d’affections immunitaires à l’hôpital, compter sur l’aide d’une infirmière spécialisée IMID (immune mediated inflammatory diseases) : elle explique le traitement, montre comment l’appliquer, organise les renvois vers d’autres spécialistes (rhumatologue, gastro-entérologue, tabacologue, diététicien, coach santé ou psychologue). Elle s’occupe aussi du suivi des rendez-vous et répond aux questions des patients. Cela rend la consultation moins chargée et plus rassurante. La collaboration avec le médecin généraliste est également essentielle, pour suivre des paramètres comme la tension artérielle, le cholestérol et la glycémie.
Un dernier mot ?
Je tiens à souligner qu’il existe encore trop de désinformation, qui amène certains patients à avoir de fausses idées ou attentes. C’est pourquoi je favorise un dialogue ouvert : pour répondre à leurs questions, mais aussi pour dissiper des craintes ou des préjugés infondés. Tous ces éléments ont une influence sur le succès du traitement, qui ne peut fonctionner que s’il est suivi correctement.
Le dialogue est aussi essentiel pour établir une relation de confiance, indispensable pour que les patients puissent parler librement de tous les aspects de leur maladie : gênes intimes, difficultés sexuelles, tensions relationnelles…
Ce sont des sujets qui apparaissent souvent plus tard, mais qui peuvent avoir un impact considérable sur la qualité de vie. Je voudrais terminer par un message d’espoir : parfois, il faut un peu de patience pour trouver la bonne approche, mais nous disposons aujourd’hui de nombreuses options thérapeutiques. Ne vous découragez pas si le premier traitement ne donne pas les résultats espérés : faites preuve de patience et discutez avec votre médecin pour trouver une alternative qui vous conviendra. C’est d’ailleurs ce que je trouve le plus gratifiant dans mon métier : revoir un patient qui va beaucoup mieux grâce à une thérapie adaptée.
1 Selon les chiffres de la National Psoriasis Foundation et du consortium World Psoriasis Day: www.psoriasis.org/watch-and-listen/a-global-perspective-of-psoriasis-and-psoriatic-arthritis/